Le plan de relance présenté le 4 septembre 2020 par le gouvernement Castex laisse une impression mitigée. Le gouvernement, les instances européennes, les classes dirigeantes ont tiré la leçon des programmes d’austérité qui avaient été appliqués en Europe à partir de 2011; il n’est plus question de « consolider » les finances publiques, c’est-à-dire de réduire les déficits publics, mais, au contraire d’accepter des déficits importants pour relancer l’activité économique. La crise, sanitaire à l’origine, a fait prendre conscience aux classes dirigeantes elles-mêmes de la fragilité de l’évolution économique, de la nécessité d’un certain tournant prenant en compte les contraintes écologiques, incitant à la relocalisation. En apparence, le gouvernement est devenu keynésien, colbertiste, écologiste.
En même temps, le gouvernement ne renonce pas à son programme de réformes libérales et d’augmentation des profits, sous couvert de compétitivité. Ainsi, le plan comporte-t-il des mesures de soutien à la demande, mais qui se contentent de prolonger en en réduisant la voilure celles prises au premier semestre 2020 (le chômage partiel sera moins indemnisé à compter du 1er octobre), mais surtout des mesures structurelles, dont la cohérence n’est pas assurée entre préoccupations écologiques, soutien à l’innovation et subventions sans condition aux entreprises. L’ensemble des mesures annoncées ne constitue pas un plan cohérent susceptible de développer une véritable stratégie industrielle. La plupart des aides relèvent de dispositifs fiscaux, dont l’effet n’est pas assuré, et peuvent se transformer en aubaine pour les entreprises et leurs actionnaires sans modifier leurs comportements et stratégies. La consommation et l’emploi sont les grands oubliés de ce plan.
La préoccupation écologique semble tenir une place importante dans le plan; toutefois, celui-ci se place fondamentalement dans le capitalisme vert technologique: il s’agit d’impulser et de financer des recherches techniques qui permettront d’échapper à la contrainte énergétique. Les mesures strictement écologiques (rénovation des logements, protection de la biodiversité) sont d’un montant symbolique par rapport aux besoins. Le souci de sobriété est oublié. Le plan reste dans le mythe de l’innovation: l’industrie devrait monter en gamme vers des produits de plus en plus sophistiqués, alors que le tournant écologique imposerait de promouvoir des produits simples, économes, durables.
En plus de la réduction de l’impôt sur les sociétés, le patronat obtient des baisses d’impôts à la production, sans que celles-ci ne soient conditionnées à des objectifs écologiques, d’emplois ou de gouvernance des entreprises. Notons cependant que, heureusement et contrairement aux vœux du patronat, il n’y a pas de mesure aveugle de soutien aux investissements (comme leur amortissement accéléré sans tenir compte de leurs objectifs). Mais, il n’est pas question de réorienter la croissance, de modifier les pouvoirs dans les entreprises, de donner plus de poids aux salariés, à l’Etat ou à la société civile pour définir la stratégie des grandes firmes.
Le gouvernement n’a renoncé ni à sa réforme du chômage, simplement reportée pour l’heure à début 2021, ni à celle des retraites, qu’il semble vouloir remettre sur le tapis. Le risque est qu’il utilise le déficit de la protection sociale induit par la crise sanitaire pour peser dès 2021 sur les dépenses sociales. Les « premiers de corvée » sont oubliés: il n’est plus question de revaloriser leurs salaires, ni de combattre la précarisation de leurs emplois. Pour éviter la hausse de leur taux de chômage, les jeunes se voient offrir des formations, des emplois aidés, ou des emplois subventionnés, qui ne correspondent ni à leurs aspirations, ni à leurs études. Peu de mesures sont susceptibles de relancer les carnets de commande des entreprises, ce qui est pourtant la condition première des embauches.
Ainsi, il n’y a pas de mesures en faveur des ménages les plus pauvres. La consommation est la première absente du plan, le gouvernement comptant sur le déblocage des 100 milliards d’épargne des ménages pendant la crise, déblocage qui n’est pas assuré, compte tenu des risques de chômage comme de l’incertitude sanitaire et économique.
Le plan de relance comporte surtout des mesures de soutien à l’investissement. Il n’est pas assuré qu’elles fonctionnent dans la mesure où elles dépendent souvent du comportement des entreprises qui pourraient être frileuses en période de faible activité et de grande incertitude. Les mesures d’incitation à l’investissement mettront dans tous les cas du temps à avoir un effet; beaucoup n’auront qu’un faible impact à court terme sur l’emploi.
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