D’autres politiques économiques sont possibles

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Le dernier ouvrage de David Cayla sort en librairie cette semaine

Ce livre entend en premier lieu faire l’analyse de l’histoire longue des modes de régulation du capitalisme en expliquant comment la pensée néolibérale a émergé au cours des années 1920 et 1930, comment elle fut mise en oeuvre après la fin du système de Bretton Woods au début des années 1970, et comment la crise financière de 2008 a conduit à l’abandon de certains de ses principes fondamentaux.

En second lieu, j’ai cherché à comprendre le mécanisme de régulation du capitalisme d’après-guerre et de montrer en quoi certaines de ses innovations pourraient être utilement reprises pour faire face aux défis environnementaux et géopolitiques que nos sociétés traversent.

Résumé des chapitres

Introduction – Le néolibéralisme existe-t-il ?
Bien qu’il n’existe pas de « bible » du néolibéralisme et que la doctrine englobe différentes écoles de pensée, il est possible d’établir un cadre d’analyse commun partagé par tous les néolibéraux. Le néolibéralisme peut ainsi se définir comme la doctrine pour laquelle la fonction première de l’État serait de fournir le cadre institutionnel permettant aux marchés de coordonner les comportements économiques et sociaux à travers un système de prix régi par la concurrence.

Chapitre 1 – Dépolitiser la monnaie
Ce chapitre se propose d’explorer deux questions principales. Premièrement, il entend exposer les principaux concepts de la théorie monétaire : le lien fondamental entre monnaie et dette, la manière dont la monnaie est créée, comment la valeur de la monnaie est déterminée et comment l’inflation est théorisée. En second lieu, il décrit les principes théoriques du monétarisme en montrant qu’il s’agit d’une doctrine dont l’objectif est de « dépolitiser » la politique monétaire dans le but de lutter contre l’inflation.

Chapitre 2 – Le monétarisme, élément du système néolibéral
Ce chapitre montre comment le monétarisme est devenu dominant tant sur un plan académique que politique, et pourquoi il est contesté depuis la crise financière de 2008. L’expansion des politiques monétaires non conventionnelles et les tensions croissantes, dans certains pays, entre les gouvernements et les autorités des banques centrales démontrent qu’il est de plus en plus difficile d’adopter une gestion dépolitisée des politiques monétaires. Chez les économistes, les voix hétérodoxes contestant les analyses monétaristes sont nombreuses, notamment avec le développement de la Théorie monétaire moderne (MMT). Les dernières sections du chapitre décrivent les limites de ces conceptions critiques en montrant que le monétarisme ne peut être remis en question sans appréhender de manière plus globale le cadre néolibéral dans lequel les théories monétaires s’inscrivent.

Chapitre 3 – Un régime d’économies régulées
Le chapitre 3 se propose de comprendre le capitalisme pré-néolibéral des années 1950 et 1960. Il montre comment les systèmes de régulation issus des crises économiques et sociales des années 1930, et des contraintes de la seconde guerre mondiale ont conduit à la mise en place d’institutions permettant de contrôler les prix des biens de production. L’économie allemande d’après-guerre, qui a choisi une voie différente, marquée par l’influence des idées ordolibérales est étudiée de manière spécifique. Enfin, il est montré que, contrairement aux théories des néolibéraux, ce « capitalisme encastré » s’est avéré globalement efficace sur les plans économique et social en organisant le contrôle des prix des biens de production.

Chapitre 4 – La révolution néolibérale
Ce chapitre analyse les crises économiques et politiques survenues dans les années 1970 et les raisons pour lesquelles le capitalisme encastré de l’après-guerre a pris fin. Il soutient que ce bouleversement n’est pas la conséquence d’un excès de réglementations et d’interventions étatiques mais qu’il est au contraire la conséquence de l’affaiblissement des mécanismes de régulation antérieurs. Cet affaiblissement est lui-même la conséquence de changements géopolitiques et d’une transformation des structures économiques des économies capitalistes développées. La deuxième partie du chapitre explique comment de nouvelles institutions favorables au marché ont été établies dans les années 1980 et 1990 sous l’influence des idées néolibérales. La conséquence de ce nouveau cadre institutionnel est que les prix des biens de production n’ont plus été gérés politiquement mais sont passés sous le contrôle des marchés régulés par la concurrence.

Chapitre 5 – Le monétarisme confronté aux crises
Le chapitre 5 propose une analyse approfondie de la crise financière de 2008. Il explique tout d’abord que, du point de vue néolibéral, la fonction principale des marchés financiers n’est pas de faciliter l’investissement et d’allouer efficacement l’épargne, mais de déterminer les prix et donc la valeur des biens de production afin d’orienter les décisions économiques. Il montre comment cette vision a poussé les gouvernements à étendre et à déréglementer les marchés financiers, puis à favoriser les innovations financières telles que la titrisation, et comment cette politique a préparé le terrain pour le développement de la crise des subprimes de 2007-2008. Il soutient que la crise financière n’est pas seulement la conséquence d’une chute soudaine de la valeur de certains actifs, mais plutôt celle de la disparition de la capacité du marché à les évaluer. Cette crise a poussé les pouvoirs publics à intervenir en rachetant des actifs financiers afin de leur attribuer à nouveau des prix. Les dernières sections du chapitre 5 s’intéressent aux raisons pour lesquelles les banques centrales durent mettre en œuvre des politiques monétaires non conventionnelles pour aider à financer les politiques de relance, résoudre la crise de la zone euro et soutenir les dépenses publiques pendant la pandémie de Covid-19.

Chapitre 6 – La doxa et la praxis
Ce chapitre développe deux idées principales. Premièrement, il montre comment les économistes néolibéraux tels que Jean Tirole ont analysé la crise financière de 2008 et ses causes. De leur point de vue, l’effondrement du système financier serait la conséquence, non pas de la dérégulation des marchés et d’innovations financières incontrôlées mais d’un échec de la supervision étatique. Ainsi, contrairement à ce qu’on pourrait penser, la crise financière n’a pas entraîné de révision dans la doctrine néolibérale. Dans un deuxième temps, ce chapitre examine les limites théoriques de la vision néolibérale en étudiant les interactions complexes entre l’information et les prix. Cet examen montre pourquoi il n’est pas possible d’affirmer que les prix de marché reflètent effectivement toute l’information disponible et seraient spécialement pertinents. Une approche alternative fondée sur l’économie institutionnelle est ensuite proposée afin d’étudier les rapports entre marché et société. Dans sa dernière partie, le chapitre 6 soutient que, bien que la poussée inflationniste de 2021-2022 ait poussé les banques centrales à modifier leur discours, la politique monétaire n’est sans doute pas capable de revenir au monétarisme originel et devrait donc rester relativement accommodante. Cette situation marque, de fait, la fin de la doctrine néolibérale.

Conclusion – Un monde post-néolibéral ?
La conclusion s’intéresse aux autres systèmes de régulation qui pourrait succéder au néolibéralisme. Elle décrit d’abord le contexte actuel de l’économie mondiale, marqué par la montée des pénuries d’énergie et de biens de consommation et par le défi du changement climatique. La deuxième partie du chapitre décrit deux scénarios d’une sortie du néolibéralisme. Le premier serait qu’émerge un régime de type néoféodal à la chinoise ou à la russe ; le second s’appuie sur les analyses du sociologue Wolfgang Streeck qui estime que le capitalisme néolibéral pourrait se transformer en une « société post-sociale » marquée par l’effondrement de la plupart des institutions. La troisième partie de la conclusion propose un troisième scénario. Quatre principes nécessaires à la mise en œuvre d’un « agenda pour une économie démocratique » sont étudiés : 1/ Répondre à l’urgence climatique et à la raréfaction des ressources naturelles ; 2/ Déterminer le rôle du marché dans l’économie et la société ; 3/ Repenser les fonctions économiques de l’État ; 4/ Réencastrer l’économie dans la démocratie

Chute et déclin du néolibéralisme