Un entretien avec David Cayla dans le Figarovox-19 octobre 2021
FIGAROVOX. – Lors de la pandémie, Emmanuel Macron a adopté des accents souverainistes. Aujourd’hui, pour lutter contre l’immigration, une grande partie de la droite souhaite que le droit national prime sur le droit européen (Michel Barnier parle de «souveraineté juridique»). Assiste-t-on à un retour en grâce du souverainisme ?
David CAYLA. – Il faut toujours se méfier des mots à la mode et de la manière dont on les emploie. Les politiques adorent trianguler, c’est-à-dire s’approprier les concepts de leurs adversaires en en altérant le sens. À ce titre, il est assez amusant de voir comment la souveraineté, auparavant reléguée au rang des concepts dépassés par l’avènement de la «mondialisation heureuse», est revenue en force dans les discours.
Dans son ouvrage posthume Nécessaire souveraineté, Coralie Delaume s’amuse de la façon dont la crise pandémique aura poussé Emmanuel Macron à mettre la souveraineté, notamment industrielle, à toutes les sauces. Il faut dire qu’après avoir bradé une partie d’Alstom aux Américains, vendu l’aéroport de Toulouse à un fonds d’investissement chinois, proposé de céder les Chantiers de l’Atlantique aux Italiens et l’autre partie d’Alstom aux Allemands (ces deux derniers projets ayant finalement capoté), la politique industrielle d’Emmanuel Macron n’était pas très marquée par l’impératif de souveraineté. Il fallut pour cela que la France se rende compte qu’en pleine pandémie elle était devenue incapable de fabriquer des masques, des respirateurs et des médicaments pour que la question industrielle ressurgisse, et avec elle celle de l’approvisionnement et de la dépendance vis-à-vis de pays tiers.