D’autres politiques économiques sont possibles

Adhérer

Que penser du rapport annuel de la Cour des comptes ? « La Cour des comptes est le temple du dogmatisme libéral le plus fou; elle ne comprend pas que le gouvernement ait cédé aux Gilets jaunes des mesures de gain de pouvoir d’achat qui ont un effet positif sur l’emploi », répond sur France Info TV Christophe Ramaux, membre des Economistes atterrés, face à Etienne Lefebvre, journaliste aux Echos.

Retrouvez l’intégralité de ce débat en video ici.

Suite à cet échange, Christophe Ramaux précise: en fin de débat, je fais une erreur (et il est toujours sain de les reconnaître). La dette publique de la zone euro que présente Etienne Lefebvre dans son graphique (repris du rapport de la Cour des comptes sur la base des données Eurostat) est, comme il l’indique, calculée en pondérant par le PIB de chaque pays. Sur de nombreux sujets, les statistiques internationales sont construites en comptant chaque pays pour un, sans tenir compte de leur poids respectif (PIB, population…). Mais n’est pas le cas ici. Mea culpa donc, en particulier auprès d’Etienne Lefebvre avec qui je partage – à défaut des positions – le goût pour le débat respectueux, gage de vitalité démocratique.

Sur le fond, je maintiens en revanche que l’argument de la dette publique utilisé par la Cour des comptes pour justifier un nouveau tour de vis austéritaire est contestable à plusieurs titres. La faiblesse de cette dette en Allemagne (62 %) – de même qu’au Pays-Bas (52 %) – renvoie à sa politique d’austérité (budgétaire notamment) et au gain qu’elle tire de l’euro, au détriment de l’Europe du sud (Italie, Espagne, mais aussi France…), d’où son excédent commercial exorbitant (8 % de son PIB !) que même Christine Lagarde (après Mario Draghi) conteste. Sans même parler de celle des Etats-Unis (107 %) ou du Japon (237 %), la dette publique de la France (98 %) n’a rien d’astronomique par rapport aux autres grands pays comparables de la zone euro, Italie (135 %) et Espagne (98 %), ni par rapport aux pays suivant de taille intermédiaire (plus de 10 millions d’habitants), Portugal (122 %), Belgique (100 %) et Grèce (181 %).

La dette publique est avant tout légitime d’un point de vue keynésien (à l’instar de la dette privée – elle aussi trop élevée ! – elle permet de lancer des activités). Est-elle trop élevée ? Oui en un sens. Mais son accroissement depuis la fin des années 1970 résulte du tournant néolibéral pris alors : l’austérité a comprimé l’activité et donc les recettes (de même que les cadeaux fiscaux en faveur des plus aisés), la finance a parfois réussi à imposer des taux d’intérêt colossaux (au début des années 1990) et a provoqué des crises à répétition qui ont fait exploser la dette publique (en zone euro elle est passée de 66 % en 2007 à 86 % en 2009). Il n’est de surcroît nul besoin d’avoir un déficit nul pour réduire la dette. Et L’histoire montre qu’on ne peut jamais réduire des dettes publiques par des politiques de déflation budgétaire et salariale similaires à celles que préconise la Cour des comptes depuis de trop longues années. Les partisans du libéralisme économique, c’est bien compréhensible de leur point de vue, ne seront pas d’accord avec tout cela : vive le débat !