D’autres politiques économiques sont possibles

Adhérer

Sécu aux prestations élargies versus mutuelles complémentaires, le débat est ouvert.

La revendication d’une Sécu 100 % est portée depuis longtemps par certaines organisations syndicales et des mouvements sociaux. Le sujet a été relancé par le rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), publié en janvier 2022, qui, propose des scénarios d’évolution de l’articulation entre l’assurance maladie obligatoire et les complémentaires.

Le scénario qui a le plus retenu l’attention est celui qui propose une augmentation des taux de remboursement de la Sécurité sociale qualifiée alors de « Grande Sécu » ; celle-ci rembourserait à 100 % un panier de soins ; les assurances complémentaires seraient conservées, mais uniquement pour couvrir « les besoins spécifiques », sans doute les chambres particulières et les dépassements d’honoraires.

Ce scénario présente de nombreux avantages. Le système serait plus simple, moins coûteux (les frais de gestion du système actuel sont élevés pour les professionnels de santé et les hôpitaux : les complémentaires dépensent 8 milliards d’euros pour assurer 12 % des remboursements, la Sécu, quant à elle, dépense 7 milliards pour 80 % des remboursements), plus équitable (les complémentaires fixent leurs tarifs selon l’âge et la taille du ménage, les plus pauvres ne sont pas couverts, les contrats collectifs ne sont ouverts qu’aux salariés du privé).

En sens inverse, le maintien d’assurances complémentaires (souscrites uniquement par les plus riches) fait courir le risque d’une médecine à deux vitesses. La composition du panier de soins remboursé à 100 % est problématique : ne sera-t-il pas réduit au cours du temps ?

Faut-il étatiser la quasi-totalité du système ? Peut-on se passer complètement des complémentaires ? Les mutuelles ne peuvent-elles pas jouer un rôle moteur, en compensant les déremboursements décidés par l’État, en expérimentant des formes nouvelles d’organisation des soins ? Peut-on imaginer une vraie Grande Sécu 100 %, gérée démocratiquement, remettant les usagers au centre des décisions ? Comment définir le panier des soins pris en charge à 100 % ? Comment innover en matière d’organisation des soins de santé ? 

Telles sont les questions sur lesquelles nous vous proposons d’intervenir ici.

Vos points de vue, vos questions

6 contributions sur "Vers une grande Sécu ?"

  1. Laurent PIOLET dit :

    Nous avons connu par le passé, une Sécurité sociale avec un niveau de prise en charge à 100% élevé. Les politiques budgétaires restrictives n’ont cessé de faire baisser le niveau de remboursement de l’Assurance maladie. Comment éviter qu’avec une « grande sécu » le même phénomène ne se reproduise à terme et conduise à une moins bonne prise en charge globale ? Il peut être délicat de toucher actuellement à l’architecture de la protection sociale. Nous n’avons peut être pas en ce moment le bon rapport de force social pour rentrer dans ce débat, compte tenu de l’affaiblissement des représentations syndicales qui ont été au demeurant progressivement marginalisées dans la gestion de la Sécu.

  2. ecofill dit :

    La Sécu actuelle ou plutôt l’assurance maladie fait partie de l’ensemble plus général de la Sécurité sociale, fondée par le CNR et Ambroise Croizat, alors ministre de l’Economie. Il était alors conçu comme un système global, basé sur les cotisations sociales salariales et patronales. La cotisation sociale est le prolongement fondamental du salaire ( certains parlent de salaire différé). A l’heure actuelle, ce bel édifice est déjà fissuré et remis en cause par les « réformes », notamment de son financement et de son périmètre. Le risque de la Grande Sécu n’est-il pas d’achever la Sécurité sociale originelle ? Notamment à cause de l’étatisation du système ?
    Je crois que mon questionnement rejoint celui de Laurent Piolet, lu ci-dessus.

  3. Laurent PIOLET dit :

    Par ailleurs, lorsqu’on critique les frais de gestion des complémentaires, qui sont il est vrai élevés, nous jouons aussi en partie contre notre camp. En effet, si les frais de gestion sont assez élevés c’est aussi en large partie parce que les salariés du secteur mutualiste (77 000 pour la FNMF) sont mieux traités en salaire et conditions de travail. Faut-il pousser au modèle low-cost en gestion des prestations santé alors que nous ne cessons d’en montrer les effets délétères sur l’emploi et les salaires dans le secteur marchand ?
    Contentons nous de réguler la publicité des mutuelles et le sponsoring pour calmer un peu les frais de gestion.

  4. ecofill dit :

    Un des principaux soucis de la Sécurité sociale ( assurance – maladie, mais aussi autres branches de la protection sociale), c’est l’insuffisance des ressources. Ne faudrait-il pas revenir sur les politiques d’exonération massive des cotisations sur les bas salaires? Cela prive la Sécurité sociale de ressources fondamentales et cela permet de critiquer le système en insistant sur le « trou de la Sécu ». Le déficit est donc en grande partie faussé. N’est-ce pas un problème fondamental à poser d’abord? D’autre part, ces exonérations massives ont des effets pervers sur l’emploi : ce n’est pas la panacée pour les créations d’emploi, elles créent des effets d’aubaine, et surtout elles entraînent une compression salariale parce que les employeurs ne veulent pas se priver de cette manne en augmentant les niveaux de rémunération. Avant de se concentrer sur la seule assurance- maladie, ne faudrait-il pas poser la question du financement de tout l’édifice ?

  5. MJFERREIRO dit :

    Une véritable Sécurité sociale ne doit pas aboutir, pour ce qui est de l’assurance maladie, à un déremboursement des soins ou à des soins à 2 vitesses comme c’est de plus en plus le cas aujourd’hui (si vous avez les moyens vous passez par une clinique et vous pouvez être opéré tout de suite mais vous payez plus, sinon vous attendez !)

    Le problème des mutuelles est double:
    – D’une part, elles coûtent chères et tout le monde ne peut pas se le permettre. Si les dernières mesures en la matière ont abouti à obliger les employeurs à prendre des mutuelles pour leur salariés :
    1 : la qualité des mutuelles prises par les employeurs est loin d’être toujours à la hauteur et le salarié n’a pas le choix d’en prendre une autre
    2 : les travailleurs qui ne sont pas dans une relation salariale (notamment les auto-entrepreneurs ou les petits agriculteurs…) n’ont aucune obligation d’avoir une mutuelle et restent donc mal couverts.
    Par ailleurs, la contre-partie de ces mesures a été un niveau de remboursement global qui a baissé.
    – D’autre part, les mutuelles emploient du personnel et les supprimer revient à licencier ces personnels ce qui n’est pas non plus une solution.

    Ce n’est donc pas si simple.

    Mais le véritable problème de la Sécurité sociale, et donc de l’ensemble de ces branches, reste son financement. Là encore, le problème est double:
    – si on reste sur un système de financement par cotisations, les exonérations accordées par les différentes législatures, mais également le chômage privent la Sécurité sociale d’une partie de son budget. Par ailleurs, ce système fait porter quasi-exclusivement le financement de la Sécurité sociale sur les salaires (exception : CGS et CRDS). Tout ce qui est revenus du capital (revenus fonciers, revenus de capitaux mobiliers…) ne participent pas ou peu au financement de la Sécurité sociale. Or les personnes qui disposent de ces revenus bénéficient aussi des avantages de la Sécurité sociale

    – si on passe par une étatisation de la Sécurité sociale, le financement se fera par l’impôt. En quoi est-il plus risqué d’avoir un financement par l’impôt au lieu d’avoir un financement par cotisations ? J’avoue ne pas saisir le risque. En effet, il est aussi facile de modifier le taux de l’impôt dans une loi de finances que de modifier les taux de cotisations sociales dans une loi de financement de la sécurité sociale !
    Même si le fait de financer les différentes branches de la Sécurité sociale mériterait un fléchage de l’impôt – ce qui juridiquement pose difficulté sauf à changer les textes – un financement étatisé permettrait d’avoir une masse budgétaire plus importante. Il suffit que ce financement par l’impôt se fasse aussi bien du côté des particuliers que du côté des professionnels et prenne en compte l’ensemble des revenus. Il ne me semble pas normal que le salaire soit quasiment le seul revenu sur lequel soit assis le financement de la Sécurité sociale. Tous les revenus ont vocation à financer le bien commun qu’est la Sécurité sociale.
    Par contre, un financement par l’impôt ne doit pas être un prétexte pour baisser le niveau des différentes prestations. Au contraire, il doit être un moyen de les améliorer

  6. Jacpol dit :

    Les textes de lois consécutifs traitant de la fiscalité et de la couverture sociale n’ont fait que complexifier à outrance les fonctionnements. Les résultats sont connus, au moins d’un certain nombre de spécialistes mais le but poursuivi compulsivement, comme dans d’autres domaines, a toujours été que le citoyen/contribuable/salarié soit privé de toute approche claire de ses intérêts réels. La fiscalité européenne est un modèle du genre, notamment en présence d’une monnaie commune. Qui aurait admis par exemple qu’en France, à l’époque de franc, la Corrèze ou le Doubs soient des paradis fiscaux ? Que les salaires entre Paris et Pau, à fonction égale, soient d’une différence de 1 à 10 (environ) ? Etc, etc. Votre livre « 20 ans d’aveuglement – l’Europe au bord du gouffre », paru en mai 2011, est un chef d’oeuvre de révélations confirmées par les constatations de 2022 ! Combien de temps encore peuvent tenir de tels dénis des réalités socio-économiques de la part de tous les gouvernants auxquels les crises successives ne suggèrent aucune modération ?!

Déposer votre contribution : réservé aux adhérents