Dany Lang et d’autres Atterrés ont signé cet appel, lancé par le journal Politis et paru le 27 octobre dernier. Il concerne la COP26 et l’urgence climatique.
À l’heure où les gouvernements entament de nouvelles négociations sur le climat, la rédaction de Politis s’engage. L’appel que nous lançons, rejoint par 225 personnalités, traduit une colère qui grandit. Il porte la voix de celles et ceux qui refusent la résignation et tenteront encore de se faire entendre dans la rue, le 6 novembre, lors de la grande marche pour la justice climatique. Joignez votre voix à la nôtre, en signant cet appel.
CET ARTICLE EST EN ACCÈS LIBRE. Politis ne vit que par ses lecteurs, en kiosque, sur abonnement papier et internet, c’est la seule garantie d’une information véritablement indépendante. Pour rester fidèle à ses valeurs, votre journal a fait le choix de ne pas prendre de publicité sur son site internet. Ce choix a un coût, aussi, pour contribuer et soutenir notre indépendance, achetez Politis, abonnez-vous.
Cela fait plus de trente ans que les scientifiques du Giec vous alertent, vous les décideurs politiques et économiques. Trente ans que les climatologues du monde entier accumulent des données qui font la démonstration de l’urgence climatique, de son origine anthropique et de l’effondrement des écosystèmes de la planète. Presque autant que la société civile répète à l’envi que les discours ne suffisent plus. Que le temps de l’action est venu. Et pourtant rien ne vient. Du blabla. Encore du blabla. Toujours du blabla. Au mieux du greenwashing, au pire des reniements et des renoncements à n’en plus finir.
Signez notre appelQu’avons-nous observé ? Que cela fait près de trente longues années que vous négociez, que vous tentez de nous faire croire que vous allez vous attaquer à l’urgence climatique. Qu’il ne faut plus s’inquiéter. Et pourtant, en trente ans, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont explosé de 64 %. Si nous vous laissons faire, elles vont encore augmenter d’au moins 16 % d’ici à 2030.
Votre procrastination, cette irresponsable tendance à repousser à plus tard ce qui devrait être fait aujourd’hui, est un crime climatique, perpétré en toute connaissance de cause. Des gens meurent à cause du réchauffement climatique. Car celui-ci se conjugue au présent, contrairement à vos promesses, que vous n’envisagez qu’au futur. L’été, le thermomètre approche ou dépasse les 50 °C aux quatre coins de la planète, tandis que les canicules, feux de forêt et inondations se multiplient et s’intensifient. Sans parler de la fonte des glaces ou de la montée des eaux. Des villes et des villages sont peu ou prou rayés de la carte ou rendus inhabitables. Des écosystèmes sont détruits ou transformés à jamais. Vous en avez la responsabilité. Nous en payons tous le prix.
Le 9 août dernier, le Giec a énoncé ce cruel constat avec encore plus de force : « Le changement climatique s’accélère et s’intensifie » à un rythme « sans précédent ». Combien d’entre vous, chefs d’État et de gouvernement, ministres, parlementaires, élus locaux, patrons d’entreprise, ont lu le résumé aux décideurs (39 pages) du dernier rapport du Giec ?
Certes, vous n’avez pas rien fait. Vous avez négocié et ratifié l’accord de Paris sur le climat. Mais celui-ci ne vous contraint à rien, et vous ne le respectez pas. Les engagements posés sur la table par les États depuis 2015 nous conduisent à un réchauffement climatique supérieur à 3 °C. Charge à nous, citoyens, de faire respecter les objectifs de 1,5 °C ou 2 °C. Plutôt que de mettre le paquet sur des politiques climatiques ambitieuses à court terme, vous leur avez substitué un concept vaseux de neutralité carbone à long terme, pariant sur d’improbables innovations technologiques pour nous sauver.
Pire, vos plans de relance ont débloqué plus de financements nocifs pour le climat (3 000 milliards de dollars environ) que pour des projets supposés « verts » (1 800 milliards). La pandémie a tué des millions de personnes et montré combien l’économie mondiale était insoutenable. Que trouvez-vous comme réponse ? Relancer, quoi qu’il en coûte – en mobilisant ce pognon de dingue qui n’est prétendument pas disponible pour assurer les besoins élémentaires des populations –, un système économique qui détruit la planète, accroît les inégalités et broie les hommes et les femmes qui travaillent pour survivre.
Nous ne détournerons pas le regard. Nous vous garderons à l’œil, lors de la COP 26, et tenterons de faire pression. Parce que vous n’avez toujours pas débloqué les 100 milliards de dollars que vous aviez promis aux pays pauvres il y a douze ans à Copenhague. Parce que vous déroulez le tapis rouge aux pollueurs, aux as de l’évasion fiscale, aux champions des dividendes et du greenwashing. Parce que vous voulez créer de nouveaux marchés partout en transformant la nature en un capital qu’il faudrait valoriser.
Nous vous avons à l’œil, mais nous savons que cela ne suffira pas. Parce que nous en avons déjà fait l’expérience. Parce que nous savons que vous n’avez aucune intention de laisser 80 % des réserves d’hydrocarbures dans le sol : en trente ans de négociations, vous avez toujours refusé ne serait-ce que d’évoquer des restrictions à l’exploitation des énergies fossiles. Parce que vous n’avez aucune envie de démanteler le pouvoir de nuisance que constituent les TotalEnergies, Exxon et consorts, qui savent depuis plus de cinquante ans qu’ils sont à l’origine du réchauffement climatique et qui ont tout fait pour le cacher. Parce que vous avez exclu le commerce international des secteurs couverts par l’accord de Paris.
Pour toutes ces raisons, et pour tant d’autres, nous avons besoin d’un ouragan citoyen en mesure de renverser, si ce n’est la table des négociations, le cours des choses. À la déception et à la désillusion, nous préférons la force de la lucidité et de la détermination. Depuis plusieurs années désormais, la jeunesse a montré la voie : ses mobilisations avancent plus vite que les négociations sur le climat. Si nous ne voulons pas faire face à l’impensable, nous devons faire l’impossible.