Une sorte de schizophrénie semble traverser la société : il n’y a pas un jour sans qu’un nouveau rapport, un nouvel article ou livre ne nous alertent sur l’accélération mortifère du réchauffement climatique et sur la disparition du vivant. En même temps, l’économie mondiale produit toujours plus de gaz à effet de serre (GES), consomme toujours plus de matériaux et détruit toujours plus la biodiversité. Il y a deux manières d’interpréter cette schizophrénie. La première considère que nous vivons dans une société divisée en classes et que la classe dominante impose à l’ensemble de la société une économie prédatrice de l’homme et de la nature, tout en comptant sur les moyens de sa richesse pour ne pas subir les conséquences écologiques de cette prédation.
La deuxième, de loin la plus courante, considère que cet écart est la conséquence d’un manque de connaissance et d’information de la société, lié à une conception erronée de la nature comme totalement maîtrisable. Une diffusion de ce nouveau savoir sur la nature produit par les scientifiques et les experts et transformé en innovations technologiques pourrait permettre un découplage entre la croissance économique et ses impacts sur la nature. Cette conception, très largement répandue au-delà des clivages traditionnels des partis politiques, estime que la question écologique devrait faire être objet d’un consensus rationnel et non politique .
Dans cette vision, les politiques publiques doivent, le plus rapidement possible, inciter les citoyens à adopter les bonnes pratiques écologiques (les petits gestes) et permettre aux entreprises de développer des innovations technologiques permettant ce découplage. La diffusion du savoir écologique et l’accélération des innovations technologiques peuvent avoir lieu sans changement majeur des institutions du capitalisme et sans remettre en question la division de la société en classes.
Globalement, cette deuxième vision suppose la possibilité d’une croissance économique compatible avec les contraintes écologiques, c’est-à-dire une croissance verte .
L’objectif de cette note est de montrer que la croissance verte est non seulement impossible, mais dangereuse. Sa promotion participe à la schizophrénie actuelle et limite les possibilités d’une bifurcation écologique et sociale rapide.
Dans une première partie, nous analyserons les relations entre la croissance économique, c’est-à-dire, d’une part, la croissance du PIB et les émissions de carbone, d’autre part, les relations entre la croissance et la consommation matérielle. Dans une deuxième partie, nous analyserons les relations entre la croissance économique et les rapports sociaux de production qui caractérisent le capitalisme.
Pour lire cette note dans son intégralité, téléchargez le PDF ci-dessous.