A propos du rapport Notat-Senard sur la réforme de l’entreprise.
Cette fois le rideau est tombé. Après de longs mois de gestation, les arbitrages ont été faits et le projet de loi « Pacte » (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) a été proposé et examiné en Conseil des ministres. Du coup, ont été arbitrées aussi les propositions tant attendues contenues dans le rapport Nicole Notat – Jean-Dominique Senard portant sur l’entreprise, rapport commandité dans le cadre de la préparation de la loi Pacte.
Comme il fallait s’y attendre, ce rapport, dès sa publication, avait suscité des commentaires nombreux et contrastés. Les plus déçus, ceux qui en espéraient beaucoup et avaient défendu l’idée de cette réforme avant même que le rapport ne soit publié, ont feint de s’y retrouver et se sont efforcés d’y trouver des « éléments positifs » . D’autres, représentant des milieux d’affaires, et qui craignaient que ce rapport ne vienne bousculer des prérogatives et pouvoirs solidement installés dans le monde des actionnaires et des dirigeants d’entreprise, ne cachent pas leur soulagement. Mais ils annoncent qu’ils restent sur leurs gardes : sait-on jamais, de dangereux réformateurs sociaux, dissimulés à l’Élysée, à Bercy ou dans le groupe majoritaire LaREM au Parlement – et forcément ignorés de tous – ne vont-ils pas peser sur les arbitrages ultimes ?
Bref, compte tenu de ce qu’il défend, comme de ce qu’il tait, le rapport fait débat. Et une lecture critique des analyses et recommandations qu’il propose est nécessaire. Ce d’autant que, s’agissant d’une réforme de l’entreprise, c’est bien sûr d’une institution majeure de nos sociétés qu’il s’agit. Il est donc de première importance de comprendre la philosophie qui a animé les propositions de réforme, comme ce qui finalement en a été retenu pour être incorporé dans le projet de loi Pacte.
Aussi avant d’entrer dans le contenu du rapport et des arbitrages qui ont été faits des propositions qu’il contient – et pour pouvoir lever certaines ambiguïtés ou interpréter justement leur sens et portée – il nous paraît indispensable de resituer l’ensemble du débat sur la réforme de l’entreprise dans son contexte. Car ce rapport « ne tombe pas du ciel ». Il est, on l’a dit, le résultat d’une commande : celle en particulier du ministre de l’économie Bruno Le Maire : le rapport constitue l’un des matériaux venant alimenter un projet de loi (la loi Pacte) annoncée comme devant « lever les obstacles » à la croissance des entreprises. Enfin, last but not least, ce rapport fait partie, après les lois Travail, d’un nouveau « paquet Entreprise » du gouvernement Macron. Venant après la loi sur le « secret des affaires » , le rapport Notat-Senard avec la loi Pacte dont il vient nourrir la préparation, constitue le troisième volet du paquet Macron consacré à l’entreprise . Sans entrer dans le détail des choses concernant ce projet de loi, il faut garder à l’esprit ce point essentiel que le rapport Notat-Senard s’inscrit dans une vague de déconstruction accélérée du rapport salarial et d’accentuation de la financiarisation des entreprises et de la société dont Emmanuel Macron a fait sa priorité depuis son installation à l’Élysée .
Le rapport lui-même (121 pages) est dense, et formule 20 propositions. Toutes évidemment ne sont pas de la même importance. Nous nous concentrerons ici sur trois d’entre elles, à notre sens largement principales. Mais auparavant et pour en saisir le sens et la portée, un préalable est nécessaire. Il a trait à ce qu’on peut considérer comme la toile de fond sur laquelle le débat sur l’entreprise se mène aujourd’hui en France.
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