Le secteur public local a longtemps constitué une sorte d’ilot influencé davantage par la démocratie territoriale que par le néolibéralisme qui s’est répandu depuis les années 1980. Le projet néolibéral, qui vise à libérer la logique du profit des contraintes sociales et politiques, a porté sur la libéralisation des marchés (finance, biens et de services), avant de s’attaquer à l’État social (protection sociale et services publics notamment) en réduisant les budgets publics et la pression fiscale. Le secteur local a été durablement épargné par la trajectoire néolibérale. Les dépenses locales ont crû fortement de 1978 à 2008 (3,3% par an en volume en moyenne, passant de 7,7% à 11,3% du PIB, soit +3,6 points), davantage en fonctionnement (+2,8 points de PIB) qu’en investissements (+0,3 point). La décentralisation n’est responsable que de 1,6 point sur les 3,4 points de hausse de 1980 à 2008 ; la progression de la part des dépenses locales dans le PIB à champ constant a été de 1,8 point de PIB. Les dépenses locales à champ constant ont augmenté en volume de 2,7% par an, un rythme plus rapide que celui des dépenses de l’État (1,9%). De 1996 à 2007, la fonction publique territoriale s’est accrue de 440 000 agents, dont moins de 50 000 au titre des compétences transférées. Les élus locaux ont privilégié la satisfaction des besoins en services et en équipements publics au prix d’une progression de la fiscalité. L’expansion budgétaire a été favorisée par le différentiel de pression des électeurs sur les dépenses et sur les impôts, par le dynamisme des bases fiscales, par la marge de liberté sur le taux d’imposition et par la politique de l’État. Cette expansion s’est déroulée dans le respect de l’orthodoxie financière favorisée par la règle de l’équilibre budgétaire réel qui s’impose aux administrations publiques locales. Leur besoin de financement est resté faible (0,36% du PIB en moyenne de 1982 à 2008) de même que l’encours de leur dette (entre 7% et 9% du PIB).
Mais la politique de l’État envers le secteur public local a changé de cap, marquée par une austérité d’inspiration néolibérale. Sous la présidence Sarkozy, la réforme de la fiscalité économique a relevé de la logique de l’économie de l’offre et la politique des dotations est devenue plus restrictive. Sous la présidence Hollande, on passe à l’austérité pour les concours aux collectivités locales qui sont fortement réduits, avec l’objectif d’obtenir à terme une « inversion de la courbe » de la part des dépenses publiques locales dans l’économie (I).
Des préoccupations d’équité territoriale entre les collectivités locales accompagnent cette politique restrictive. L’État cherche à limiter les inégalités territoriales par le renforcement de la péréquation verticale et surtout de la péréquation horizontale, ainsi que par la future réforme de la dotation globale de fonctionnement du secteur communal reportée à 2017. En revanche, l’objectif d’équité sociale entre les contribuables semble être passé au second rang (II).
La nouvelle politique de l’État provoque les tensions financières dans la gestion locale en dépit d’une certaine capacité de résistance. Depuis 2011, le ralentissement des ressources de fonctionnement entraîne un « effet de ciseau » impliquant une baisse des soldes d’épargne brute et nette, ce qui signifie une réduction de la marge de manœuvre des collectivités qui réagissent d’abord par la baisse de l’investissement. Mais le prolongement des tensions va appeler des changements plus fondamentaux. La politique d’austérité de l’État contribue à la pénétration du néolibéralisme dans le secteur public local (III).
La note complète en pdf attaché